nous ALGERIE, Terre d'Afrique: Isabelle EBERHARDT, voyages, aventures et Sahara

08 novembre 2012

Isabelle EBERHARDT, voyages, aventures et Sahara


 Isabelle EBERHARDT (Genève, 1877 - Aïn Sefra - 1904) a fait de sa courte vie un grand voyage. Déguisée en homme, elle parcourt le Sud algérien, adopte la religion musulmane, et partage le quotidien des bédouins. Elle meurt à 27 ans en plein désert dans la crue d'un oued. Sa passion pour l'écriture nous permet d'avoir aujourd'hui des textes passionnés et passionnants sur une époque et des lieux peu connus. 

Isabelle Eberhardt est née à Genève le 17 février 1877 à la villa Fendt, située dans le quartier des Grottes. Isabelle est la fille illégitime de réfugiés russes : Natalia de Moerder, née Eberhardt, et Alexandre Nicolaïevitch Trofimovsky, dit Vava. La légende lui attribue parfois le poète Arthur Rimbaud comme père. Désireux de préserver leurs enfants et de ne pas susciter la désapprobation sur leur liaison, à l'époque peu conformiste, Natalia et Vava décident de rester en Suisse après la naissance d'Isabelle. 
La famille s'installe à Meyrin, à la Villa Neuve. Isabelle y passe son enfance en compagnie de quatre des enfants de Natalia: Nicole, Augustin, Natalie et Volodia. Cette famille recomposée, cosmopolite et si peu conformiste, attirait l'attention. Isabelle Eberhardt fut d'abord instruite par son père Vava. 

Elle fréquenta ensuite l'école secondaire. La Villa Neuve était un lieu de rencontre cosmopolite. On y entendait parler le russe, le français, l'allemand, l'italien et l'arabe, parfois aussi le grec et le latin. Isabelle Eberhardt a ainsi grandi dans un environnement multiculturel et intellectuel puisque la maisonnée regorgeait de livres dans différentes langues. 
 Cette effervescence culturelle et cosmopolite développa chez elle une intarissable soif de découverte et éveilla, semble-t-il, les soupçons de la Police des étrangers. 
En 1883, l'aîné des enfants, Nicola, quitta le domicile familial pour s'engager dans la Légion étrangère. Isabelle entendit parler pour la première fois de l'Algérie. 
Par mesure d'économie, Isabelle portait les vêtements de ses frères, mais prit bientôt goût aux vêtements masculins dont elle aimait s'affubler pour déambuler dans les 
rues de Genève. 

(vue d'Ain Sefra)
 En 1888, Augustin, autre second demi-frère d'Isabelle Eberhardt, s'engagea dans la Légion étrangère et gagna à son tour l'Algérie. Elle se mit aussitôt à apprendre l'arabe et le kabyle ainsi que le dessin pour pouvoir réaliser des croquis. Elle ne rêva plus que de voyages et de récits. C'est ainsi qu'elle chargea son frère de tenir à jour scrupuleusement un journal sur sa vie de légionnaire. Elle-même prit le pseudonyme de Nicolas Podinsky et tint une correspondance avec un ami matelot de son frère. 
 Ses rêves d'aventure et de voyages se concrétisèrent d'abord par des récits écrits à quatre mains avec son frère et par sa correspondance. 

(dune d'Aïn Sefra)
En 1895, Isabelle Eberhardt est âgée de dix-huit ans. Ses premières nouvelles sont publiées dans divers journaux. On citera " Infernalia " parue dans La Nouvelle Revue parisienne puis " Vision du Maghreb ". Isabelle Eberhardt y décrit l'Algérie qu'elle n'a pourtant encore jamais visitée.

(région d'Ain Sefra)
En mai 1897, Isabelle Eberhardt effectue, enfin, son premier voyage en Algérie. Elle est accompagnée de sa mère qui souhaite se rapprocher de son fils Augustin. Les deux femmes se convertissent à l'Islam et Isabelle prend le pseudonyme masculin arabe de Mahmoud. La mère d'Isabelle, Natalia de Moerder, décéda peu après, en novembre 1897, à l'âge de 59 ans. En 1898, l'organe de presse L'Athénée publie les nouvelles d'Isabelle. Suite à une dispute avec le directeur, sur fond d'antisémitisme et d'affaire Dreyfus, Isabelle Eberhardt ne fut plus publiée et se trouva sans ressources. 

Elle débute à cette époque la rédaction de Rakhil, roman d'amour entre un étudiant musulman et une jeune fille juive, qui l'accompagnera partout mais qu'elle n'achèvera pas. 
En mai 1901, les autorités françaises l'enjoignent de quitter l'Algérie. Elle gagna Marseille, sous un faux nom et vêtue d'un bleu de chauffe pour voyager en 4ème classe, non autorisée aux femmes. 
(tombe d'I. Eberhardt - Ain-Sefra)
Isabelle Eberhardt fut convoquée à Constantine en qualité de victime et témoin dans le procès qui devait s'ouvrir le 18 juin 1901, suite à la tentative d'assassinat dont elle avait été victime. Elle rédigea une lettre dans un quotidien d'Alger qui donnait sa version des faits. Le coupable fut finalement condamné et Isabelle bannie d'Algérie. On estimait que son mode de vie et ses déguisements étaient des facteurs de troubles. 

 Elle finit par obtenir l'autorisation d'épouser civilement Slimène le 17 octobre 1901 à Marseille. Le couple rejoint l'Algérie le 14 janvier 1902. Isabelle Eberhardt reprend ses voyages dans le désert. Elle semble s'intéresser particulièrement à l'hydrologie du désert : oueds, sources, torrents. De retour à la capitale, Victor Barrucand lui offre un poste d'envoyée spéciale pour le journal " L'Akhbar ". Elle collabore aussi avec Luce Denaben, directrice de l'école-ouvroir des filles musulmanes d'Alger. Pour la première fois de sa vie, Isabelle Eberhardt peut véritablement vivre du journalisme. Slimène obtient lui un poste d'interprète. Isabelle se rapproche également d'un groupe d'écrivains éditant une revue littéraire " La Grande France ". 

La soif des grands espaces la reprend. Elle repart, de plus en plus longtemps, à travers les immensités du Sahara. Ses périples sont publiés régulièrement dans " L 'Akhbar " où elle tient une colonne. Dans ses nouvelles, si riches en couleurs et atmosphères, Isabelle Eberhardt n'hésite pas à défendre les fellahs et à s'élever contre la colonisation. En 1903, elle se rend à Aïn Sefra où un conflit de frontière fait rage entre le Maroc et l'Algérie. Elle officiera comme " reporter de guerre ", sans doute une première pour une femme. Ses articles et analyses politiques étaient prisés par de nombreux journaux dont le " Mercure de France ". Elle se lia d'amitié avec le colonel Lyautey, futur Maréchal de France. 
Le 21 octobre 1904, Slimène, en permission, la rejoignit à Aïn Sefra. Ce jour fut le dernier d'Isabelle Eberhardt. 

La ville d'Aïn Sefra fut en effet le théâtre d'une catastrophe naturelle. L'oued se transforma en torrent furieux et la ville fut emportée. Slimène fut retrouvé vivant, mais Isabelle, affaiblie par le paludisme, n'avait pas pu fuir. On la retrouva dans les ruines de sa maison, vêtue de son habit de cavalier arabe. Isabelle fut enterrée au cimetière musulman. On retrouva ensuite le manuscrit de " Sud Oranais " que Barrucand fit publier un an plus tard. 
Emportée à l'âge de 27 ans, Isabelle Eberhardt laisse des nouvelles et récits de voyage rédigés au cours de sa vie romanesque. Bien qu'elle ne reçut pas, de son vivant, la consécration littéraire à laquelle elle aspirait, Isabelle Eberhardt a lancé un nouveau genre de littérature coloniale, dénuée de préjugés. 
 De la mort, elle a écrit : 
" Tout le grand charme poignant de la vie vient peut-être de la certitude absolue de la mort. Si les choses devaient durer, elles nous sembleraient indignes d'attachement. " 
 (A l'ombre chaude de l'Islam)



Son oeuvre :
  • Sud Oranais, 1905, J. Losfeld, Paris, 2003
  • Notes de route, 1908
  • Pages d'Islam, 1908 (texte intégral sur Gallica)
  • Trimardeur, 1911
  • Dans l'ombre chaude de l'Islam, 1921 (texte intégral sur Gallica)
  • Mes Journaliers, 1923
  • Amara le forçat, l'Anarchiste, 1923
  • Au Pays des sables (1re édition sous le titre Contes et paysage, 1925), J. Losfeld, Paris, 2002
  • Ses œuvres complètes ont été éditées à la fin des années 1980 :
    • Lettres et journaliers, présenté et commenté par Eglal Errera, Arles, éd. Actes Sud, 1987.
    • Écrits sur le sable, édité par Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu, Paris, éd. Grasset, 1988-1989.
  • Une réédition de l'œuvre majeure datant de 2004 à l'occasion du centenaire de sa mort (21 oct. 1904) :
    • Journaliers, éditions Joëlle Losfeld
    • Amours nomades, éditions Joëlle Losfeld
    • Sud Oranais, éditions Joëlle Losfeld
  • Rakhil, un roman inédit, La boite à documents, 1996.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire